Pour cette nouvelle interview, Caroline, co-fondatrice de Moodz a répondu à toutes les questions que vous vous posiez sur les culottes menstruelles ! Plus d’excuses pour passer le cap donc on vous a réservé une surpriiiiiise ! Bonne lecture !
Nous sommes aujourd’hui avec la fondatrice de Moodz. Est ce que tu pourrais te présenter, nous raconter ton parcours ?
Je m’appelle Caroline Briant. J’ai un background qui est très hétérogène. J’ai fait une classe préparatoire, une fac de droit et une école de commerce. Je n’ai jamais eu de passion déterminée. Ce qui me plaisait, c’est d’avoir un impact, d’être dans l’action. Aujourd’hui nous sommes deux dirigeantes. J’ai travaillé un an toute seule sur la marque et au moment de lancer la campagne de crowdfunding, je me suis associée avec Claire.
Comment en es tu arrivée à la création de Moodz ?
A la base, je n’avais pas d’appétence pour la lingerie car je n’en consommais pas beaucoup. Comme de nombreuses français.es, j’avais un rapport très utilitaire à celle-ci.
En 2017, à la suite du scandale sur les protections hygiéniques, je me suis intéressée à ce domaine. On avait découvert que des tampons contenaient des matières identifiées comme dangereuses par l’OMS.
J’ai eu une vraie prise de conscience. A titre personnel : il fallait que je change de protection hygiénique ! Je me suis demandée, pourquoi scannons-nous tous les aliments avec Yuka dans nos supermarchés alors que les produits qu’on met dans notre vagin, qui est la partie la plus intime de notre corps, on s’en fiche ? C’est à ce moment-là que j’ai compris l’ampleur du tabou sur les menstruations.
Et comment as-tu découvert la culotte menstruelle ?
Un soir, j’ai dîné avec une copine qui m’a dit : “Caro, je rentre de New-York, il y a des trucs trop cools, des tampons bios, des culottes menstruelles…” J’ai dit, “Les culottes menstruelles ça m’a l’air dégueu, jamais de la vie !”
Finalement, j’ai testé début 2018 parce que j’étais curieuse et ça a été une vraie révélation !
Qu’est ce qui t’a plu dans ce produit ?
Ce qui m’a intéressé, c’était vraiment le côté très technique, très sain, très écologique mais aussi le fait qu’elles offrent une vraie liberté !
Tu aurais donc pu rester consommatrice. Pourquoi avoir créé Moodz ?
A l’époque, il n’y avait pas de marque lifestyle, pop qui offrait une autre image de l’intimité féminine et de la lingerie.
J’ai voulu créer Moodz pour porter un mouvement autour de l’appropriation du corps. Il était important à mes yeux de montrer la lingerie autrement que par la séduction. Maintenant, notre lingerie est synonyme de confiance en soi, c’est du sexy assumé pour soi et non pour le regard masculin.
Ça fait 3 ans que Moodz est lancé ?
Oui quasiment 3 ans ! Les préventes ont eu lieu en juin 2019. Le site web a quant à lui été ouvert en septembre 2019, donc plutôt deux ans et demi.
Du coup d’où vient le nom “Moodz”. De mood à priori, d’humeur… ? Pourquoi ce nom ?
C’est vraiment une question de réappropriation. Il y a toujours ce cliché autour de la personne menstruée qui est chiante pendant ses règles. Parfois on peut être relou.e ou excédé.e mais il faut bien se le dire, c’est souvent lié à une souffrance.
Tu m’as parlé des controverses autour des protections hygiéniques, de l’impact du plastique… C’est assez étonnant donc que les culottes menstruelles ne soient pas plus démocratisées ! Que propose Moodz en termes de produits à l’heure actuelle ?
Notre parti pris a été de commencer par de la lingerie pure et dure.
Aujourd’hui, l’industrie des protections hygiéniques se retrouve au fin fond du supermarché, à côté des déos, des dentifrices… dans ces rayons austères.
Alors l’objectif est de dire : oui, c’est une protection hygiénique mais c’est aussi une pièce de lingerie !
Dès le départ, on a eu l’idée d’un produit très technique. On a travaillé avec un bureau de Recherche & Développement pour s’assurer du bon fonctionnement de la technologie puis on a développé une première gamme. Nous avons commencé avec 6 produits dont des basiques mais aussi du plumeti. Le but étant de donner une offre un peu plus élaborée, quelque chose qui ne se faisait pas sur le marché.
Nous voulons proposer de la lingerie à la fois quotidienne et jolie. Ce n’est pas parce que tu as tes règles que la lingerie doit être différente de celle de ton quotidien !
Vous proposez différentes gammes de produits sur votre site.
Nous avons une gamme qui s’est beaucoup développée et qui va continuer dans ce sens. Nous sommes passés de trois types de flux différents en termes d’absorption à cinq types d’absorption en seulement deux ans ! A la fois, nous proposons des produits pour les flux très légers, légers, moyens, abondants et très abondants.
Bien sûr, le fait de développer les coupes et les styles des culottes a aussi joué. Nous proposons aussi bien des tailles hautes que des strings, des shorties, des culottes ou encore des boxers.
Puis il y a les couleurs : on a de plus en plus de choix ! Et l’année dernière, on a même fait des maillots de bain et ça a été un grand succès !
Nous avons deux axes de différenciation qui sont : la technologie pour répondre aux besoins de personnes menstruées, et la partie lingerie, à savoir : les formes, les couleurs, les dentelles, les imprimés… C’est quelque chose qui nous tient à cœur !
Est-ce que la technologie dépend de la coupe ?
Non, la technologie ne dépend pas de la coupe. C’est toujours la même chose, toujours les trois mêmes tissus :
À l’intérieur, on retrouve du coton qui vient drainer le sang. Ensuite, il y a un absorbant en fibre d’eucalyptus. Et il y a enfin une membrane imperméable qui va retenir le sang.
En revanche, l’absorption dépend du type de flux sélectionné. Si il est léger, on sera sur l’équivalent d’un protège-slip. En revanche, avec un boxer pour les grands flux par exemple, la partie technique va remonter autant devant que derrière. C’est ce qui va permettre à la culotte d’être très adaptée pour la nuit. On a un absorbant qui est plus fin sur les flux légers et moyens par rapport aux flux abondants et très abondants.
Tous vos matériaux utilisés pour la fabrication des culottes sont certifiés ?
On a beaucoup travaillé sur l’écoresponsabilité au cours de l’année dernière.
Le coton est certifié GOTS sur tous les nouveaux modèles, c’est donc du coton biologique. L’absorbant en fibre d’eucalyptus est certifié Lenzing, et provient d’une forêt autogérée.
Le polyamide est en fils recyclés, c’est une innovation toute récente ! Ce sera à découvrir sur tous nos futurs produits !
Et vous misez sur une fabrication européenne, c’est bien ça ?
En quoi était-ce important de privilégier une conception si proche ?
C’est principalement pour une raison écologique. Quand on voit qu’il y a chaque année 40 milliards de protections hygiéniques jetées dans le monde et qu’on sait que la mode est l’une des industries les plus polluantes, on se dit qu’il y a vraiment quelque chose à faire. Bien sûr, je me suis intéressée au Made in France, mais je me suis rendue compte que c’était hyper cher et que ce n’est pas forcément le plus écologique, tout dépend de l’organisation, de la logistique.
Aux Portugal, nos usines sont à moins de 1500 km à vol d’oiseau de Paris, ce qui n’est pas énorme. On a pris le parti d’une production majoritairement européenne, à plus de 70%. Ensuite, le reste vient de Turquie.
L’offre est responsable dans ce sens là. Les tissus utilisés au Portugal proviennent principalement de Porto.
Concernant l’entretien et l’utilisation des culottes menstruelles, j’ai vu que vous avez une FAQ. Mais est ce que tu aurais des tips à nous partager, des conseils pour toutes les femmes qui veulent passer le cap ?
Pour moi, il y a deux types de freins pour l’achat de culottes menstruelles.
Je ne parlerai pas du prix, parce que c’est un produit rentable in fine. Mais la réalité est que si tu es étudiant.e et que tu viens de quitter la maison de tes parents, mettre 30 euros dans une culotte, je comprends que c’est cher. Dans ce sens, nous essayons d’accompagner au maximum les jeunes en faisant des offres, en proposant le paiement en trois fois sans frais, etc…
Pour moi, le premier frein est technologique. Les femmes ne comprennent pas comment ça fonctionne. Est ce que ça marche vraiment ? La réponse est oui, ça fonctionne. Il n’y a aucun sujet là-dessus. Nous avons plus de 150 000 clientes, on a des supers retours et des messages d’amour tous les jours.
Ensuite, le second frein vient du fait qu’il y ait beaucoup de marques. Les femmes ne comprennent pas la différence. Et celle-ci vient juste d’une question de qualité et d’éthique.
Tu as parlé d’accessibilité ; est ce vraiment plus cher d’opter pour les culottes menstruelles en comparaison des serviettes hygiéniques et des tampons ?
Oui la culotte menstruelle a bien un coût. C’est une pièce de lingerie versus un tampon, ou une serviette hygiénique. C’est plus cher sur le moment, mais sur le long terme c’est rentable !
Nos culottes tiennent minimum 3 ans ou plus. Donc si tu en achètes 6, ça te fait environ 150-180 euros mais sur 3 à 5 ans d’utilisation, tu es quasiment rentable dès la première année. Donc il faut voir ça comme un investissement sur du long terme.
Et ensuite sur la différence de prix avec d’autres marques, c’est comme pour les marques de prêt à porter classiques au niveau des différentes qualités que l’on trouve. Nous l’assumons, et c’est quelque chose sur lequel on travaille pour être plus accessible, mais on fait des produits qualitatifs donc forcément ça a un coût.
Moodz est une marque inclusive. C’est une valeur qui devrait être universelle chez toutes les marques à mon avis mais ce n’est pas forcément le cas. Et je vois que cela se ressent aussi dans vos campagnes. Est ce que tu peux me parler de ce choix de l’inclusivité ?
Oui bien sûr, ce n’était pas vraiment un choix mais plutôt une évidence dans le sens où cela s’est un peu imposé à moi.
Il y a beaucoup de marques qui se revendiquent comme écologiques, mais aujourd’hui quand tu crées une marque de mode, de textile ce n’est plus un critère différenciant, c’est la base.
Tout le monde est en train de s’enthousiasmer autour de l’inclusivité parce que c’est génial alors que c’est quelque chose qui aurait dû être fait depuis des siècles ! L’industrie de la mode, et les industries connexes ont eu un impact délétère sur la représentation féminine.
Je pense qu’on a toutes eu des complexes en regardant des défilés de mode ou des magazines. Les vêtements servent aussi pour se représenter soi : la pièce de lingerie est une pièce qu’on met dès le matin. Si dès le matin, ta pièce ne te convient pas, ça indique quoi ? Ça veut dire que tu n’es pas fait.e pour ce monde ? Moi j’ai envie de dire à tout le monde, vous avez votre place ici et vous avez le droit d’être ici, et d’exister. Et pareil pour les menstruations, on ne veut jamais en parler ! Quand tu demandes un tampon, c’est limite si tu ne chuchotes pas pour le faire.
Ensuite, il y a des personnes qui ne sont pas représentées. Ce n’est pas parce que tu es une personne grosse que tu n’as pas le droit d’être mis.e en avant. Ce n’est pas parce que tu es une personne noire que tu n’as pas le droit d’être mis.e en avant. Et puis, il y a aussi les personnes transgenres qui n’ont jamais été représentées.
Je suis très engagée sur ces sujets-là
On peut dire que la confiance, la sérénité, le respect du corps des personnes menstruées, le respect de la planète, c’est ce qu’apporte Moodz au marché de la lingerie menstruelle. Qu’en penses-tu ?
Je pense que nous sommes comme un ovni parce qu’on ne respecte pas trop les codes de la lingerie française classique, avec quelque chose de très fin, très délicat, sensuel… On apporte une certaine fraîcheur, on prône la liberté pour tous et pour toutes, et le fait de s’assumer. Je suis comme ça, j’ai le droit d’être comme je suis et je suis bien dans ma peau. Et ça c’est quelque chose de nouveau.